20

Nas Choka repoussa la membrane vivante qui scellait la grotte de commandement et empêchait ainsi tout regard indiscret. Trois suprêmes commandeurs et leurs subalternes emboîtèrent le pas au Maître de Guerre.

— Tout est décidé, annonça Choka à ses propres subalternes et à son équipe de tacticiens. Le Seigneur Suprême Shimrra ne nous accorde plus aucun délai. Nous avons ordre de lancer l’armada dans trois jours, lorsque les augures seront favorables à la victoire.

— Trois jours, redoutable Maître ? demanda l’un des tacticiens quand Nas Choka se fut enfin installé en tailleur sur son banc de corail yorik.

— La tâche qui me revient est déjà assez pénible, répondit Choka abruptement. Alors, ne l’alourdis pas en répétant tout ce que je dis. J’attends ton rapport.

Le tacticien inclina respectueusement la tête.

— Les rumeurs vont bon train, pareilles à une infestation d’asticots. De tous les secteurs nous proviennent les confirmations d’activités ennemies redoublées. Des vaisseaux se faisant passer pour des transporteurs d’épice ont quitté l’Espace Hutt mais la plupart sont vides. Même chose dans l’Espace Bothan. Augmentation du trafic dans la Nébuleuse Hapan, beaucoup de vaisseaux en provenance de Kashyyyk et des Vestiges qui, pourtant, sont très éloignés. Des agents connus de nos services se sont rassemblés clandestinement sur Corellia et sur Bimmisaari.

Des vaisseaux messagers de l’Alliance des Contrebandiers sont arrivés sur Contruum et sont repartis, certains se sont même aventurés jusqu’à Corulag, qui est sur la route de Yuuzhan’tar.

— Quelle impudence ! dit Nas Choka. Mais tout ceci est assez semblable aux raids de diversion sur Gyndine et Duro qui ont précédé l’assaut sur Ebaq Neuf.

Il garda le silence quelques instants.

— Continue…

— Comme on nous l’a ordonné, nos agents n’ont rien tenté pour interférer ou accomplir quoi que ce soit susceptible d’éveiller les soupçons de nos ennemis.

— Et sur Mon Calamari ?

— Près de la moitié de la flotte est repartie. De nombreux vaisseaux de guerre ont rejoint leurs secteurs d’origine. D’autres s’en sont allés et sont revenus par le sombrespace. D’autres, enfin, ont été installés pour se substituer aux appareils de transmission que nos basals dovins ont engloutis.

Nas Choka se leva de son banc pour observer les essaims d’insectes lumineux qui, à présent, couvraient un mur tout entier.

— Mon long séjour dans l’Espace Hutt n’a pas été inutile, dit-il. J’ai bien été obligé de m’habituer à toutes les formes de trahisons et de ruses. L’affabulation est aussi aisée aux habitants de cette galaxie que l’art de la transformation l’est pour nos modeleurs. Je resterai donc très prudent à l’écoute de ces rapports.

Il se tourna vivement vers ses suprêmes commandeurs.

— Sovv et Kre’fey doivent penser que nos engins de patrouille et de reconnaissance sont trop dispersés dans la galaxie pour être en mesure de surveiller les activités de chaque secteur. Ils espèrent, justement, que nos patrouilleurs seront vite débordés par cette activité soudaine, pour pouvoir ainsi lancer une opération derrière notre dos.

Son expression devint amère.

— Nos actions de sabotage sur le réseau HoloNet pourraient bien être en train de se retourner contre nous. Nous n’avons plus les moyens d’espionner ce qui se dit dans les communications ennemies. Certes, les engins messagers ont besoin de plus de temps pour atteindre leurs destinations, mais les missives qu’ils transportent ne sont remises qu’à ceux qui ont besoin d’en connaître le contenu. Voilà que cette guerre prend, à présent, une tournure inattendue.

Ses yeux, soulignés par des poches sombres, se posèrent sur le tacticien.

— Qu’en est-il des yammosk en poste sur Toong’l et Caluula ?

— Rien à signaler, redoutable Maître. Cependant…

Nas Choka attendit. Comme rien ne venait, il s’exclama :

— Eh bien ? Parle !

— A propos de la reddition de Caluula, Maître de Guerre… Juste avant la chute de la station orbitale, le commandeur qui dirigeait notre section d’assaut a été contacté par le gouverneur de la planète. Le gouverneur a promis que Caluula céderait à l’occupation sans que nous ayons besoin de lever le moindre Amphi sur ses habitants.

— Il n’y a rien d’inhabituel à cela, intervint la guerrière oracle. Beaucoup de gouvernements locaux ont choisiavec sagesse, puis-je ajouter – de s’épargner les affres de la dévastation en échange de la promesse que nous serons équitables dans le nombre de prisonniers capturés et cléments dans la transformation de leur planète, y compris dans la destruction des bâtiments et temples et l’oblitération totale des machines. Le principe a démarré dès notre assaut sur le monde bibliothèque d’Obroa-skai…

— Je suis d’accord avec toi, Oracle, mais dans le cas de Caluula, le gouverneur nous a adressé une requête particulière. Elle nous a demandé la permission de continuer à accueillir les scientifiques venus observer les phénomènes naturels si caractéristiques de cette planète. Ceci, bien évidemment, nécessite une maintenance temporaire de leur spatioport, pour l’atterrissage et le décollage des vaisseaux transportant le personnel scientifique.

— Et notre commandeur a accepté ? demanda Nas Choka en croisant ses puissants bras.

Le tacticien hocha la tête.

— Dans l’intérêt d’une pacification rapide et sans effort, et pour le bien du yammosk en poste, il a donné un accord provisoire. Afin de ne pas soumettre inutilement nos sujets à la technologie inerte, le commandeur a affecté des Brigadiers de Paix à la sécurité du spatioport. Bien entendu, l’accord définitif autorisant les scientifiques à venir visiter Caluula repose entièrement entre les mains du Haut Préfet Drathul, qui à son tour se reposera sur la sagacité du Grand Prêtre Jakan.

Nas Choka arpenta la pièce en silence pendant un long moment.

— Voilà qui est intéressant, dit-il enfin. L’essentiel de la flotte ennemie est resté à Mon Calamari. Un peu partout, les autres vaisseaux se sont éparpillés, certains paraissant presque à l’abandon. Après des semaines de farouches combats de la part des nobles défenseurs de sa station orbitale, voilà que Caluula se rend presque sans rechigner…

Il laissa son énumération en suspens, puis se tourna vers son tacticien.

— Dis à son Eminence Jakan que je souhaite m’entretenir avec elle avant qu’elle n’émette le moindre jugement sur la requête de la planète.

Le tacticien s’inclina.

— Désirez-vous autre chose, redoutable Maître ?

— Qui est le commandant du centre du yammosk sur Caluula ?

— Je pourrai rapidement vous fournir la réponse, Maître de Guerre.

Nas Choka retourna s’asseoir sur son banc.

— Reviens non seulement avec son nom mais avec un villip dédié. Je veux également m’entretenir avec lui.

 

Le guerrier Yuuzhan Vong en faction à l’astroport de Caluula fit comprendre qu’il n’hésiterait pas à se servir de son bâton Amphi à la moindre provocation. La vue de ce guerrier tatoué et scarifié se tenant devant ces navettes et barges de débarquement avait quelque chose d’absurde. Han écarquilla brièvement les yeux mais s’abstint du moindre commentaire et se contenta de sourire. Plusieurs vaisseaux de guerre Yuuzhan Vong étaient en orbite autour de Caluula, mais il n’y en avait pas autant que Han l’avait pensé.

— Tu es la scientifique… Meloque, c’est ça ? demanda le guerrier en Basique à la femelle Ho’Din sur qui reposait toute l’opération d’infiltration.

Mesurant plus de deux mètres de haut, dotée de mains à quatre doigts terminés par des ventouses, la tête couverte de récepteurs thermographiques pédonculés de couleur pourpre, un visage reptilien dénué de lèvres, Meloque aurait presque pu passer pour un laborantin modeleur Yuuzhan Vong. Parmi toutes les espèces de la galaxie, les Ho’Din bipèdes bénéficiaient d’un traitement de faveur de la part des envahisseurs, non seulement pour leur dévotion à la vie végétale mais également pour leur aversion pour la technologie.

— Oui, je suis effectivement Meloque, répondit-elle en langage Yuuzhan Vong.

Le guerrier tendit sa main sinueuse.

— Identification ?

Meloque présenta la boule de chair et de fourrure, grosse comme le poing, qui lui avait été remise sur Obroa-skai. Le guerrier prit la créature entre ses mains, la pressa, étudia sur un parchemin de cuir les sécrétions nauséabondes qui s’écoulaient. Il hocha la tête et fit un geste vers Han, Leia, Kyp, Judder Page et Wraw, l’officier des services secrets Bothan.

— Les membres de mon équipe, dit Meloque. Leurs noms devraient également être mentionnés dans le suc du lumpen.

Ayant vécu au milieu des Yuuzhan Vong pendant près de quatre ans sur le monde bibliothèque occupé par l’ennemi, Meloque savait comment se comporter avec eux et comment leur parler.

Le guerrier serra le lumpen si fort que la créature couina. D’autres gouttes s’écoulèrent sur le parchemin. Il fallut quelques instants au Vong pour déchiffrer les noms et descriptions des membres de l’équipe, comparant son parchemin aux fausses pièces d’identité que les humains et humanoïdes venaient de lui présenter. Enfin, il hocha la tête.

— Le lumpen va rester ici jusqu’à votre départ. Si vous ne vous êtes pas présentés dans trois jours, vous serez pourchassés, emprisonnés et punis pour votre insolence. C’est compris ?

— Oui, répondit Meloque au nom de tous.

— Alors vous pouvez passer.

A la surprise de tous, même si certains se montraient encore soupçonneux, Yuuzhan’tar avait accordé l’autorisation à quelques scientifiques de visiter Caluula afin d’y observer ce qu’on appelait la « Nocturne des Etoiles Ailées ». Ce phénomène naturel à l’extraordinaire réputation ne se produisait qu’une fois tous les trois cents ans. Han comprit rapidement que le gouvernement local avait dû passer un accord avec l’ennemi à ce sujet pendant que la station orbitale était toujours assiégée.

Lors de la présentation de la mission sur Mon Calamari, deux jours auparavant, Han avait fait part de ses doutes, déclarant à Dif Scaur que pour ce qu’il en savait les Yuuzhan Vong n’étaient pas des spécialistes des relations publiques.

Le directeur de l’espionnage à la minceur cadavérique, qui était chargé d’organiser l’opération d’élimination du yammosk de Caluula, avait répondu à cela en présentant d’autres exemples récents d’efforts déployés par les Vong pour gagner le cœur et l’esprit des populations asservies. Rien à voir avec leur tactique habituelle d’éradication au moindre signe de résistance. Concernant Caluula, Scaur espérait que la nature de la négociation – centrée sur l’observation d’un très rare phénomène naturel – était à même de convaincre les prêtres, entre les mains desquels reposait l’autorisation de visite de la planète. Mais cela n’avait guère d’importance. Si l’autorisation avait été refusée, l’équipe d’intervention aurait trouvé un autre moyen de s’infiltrer à la surface de Caluula.

L’addition de dernière minute de Kyp Durron à l’équipe avait généré d’autres problèmes. Nombreux étaient ceux qui estimaient que les yammosk étaient en mesure de percevoir la présence des Jedi. L’accident était arrivé au regretté Wurth Skidder à bord d’un vaisseau ennemi. Kyp avait rétorqué que le fait d’être un Jedi n’avait rien à voir. Les yammosk pouvaient détecter la Force et il avait ajouté que Leia était au moins aussi puissante dans la Force que lui.

Mais l’explication n’avait pas réconforté Han.

« Un Bothan et un Jedi, avait-il répondu à Kyp. Et pourquoi ne pas porter des insignes de l’Alliance Galactique, pendant qu’on y est ? »

D’un autre côté, avoir Kyp dans l’équipe faisait presque de cette mission une affaire de famille. Durron était présent dans la vie de Han Solo depuis une vingtaine d’années, depuis que Chewbacca et lui avaient libéré le jeune Jedi, alors âgé de seize ans, des mines d’épice de Kessel. La confiance de Han en Kyp avait été mise à l’épreuve par les nombreuses mésaventures que Kyp lui-même avait endurées : sur Yavin, contre l’esprit d’un Seigneur des Sith mort depuis longtemps ; lors de la quête de vengeance, proche du délire, contre Daala, l’Amiral Impérial ; lorsque Kyp avait lancé le Briseur de Soleil sur la planète Carida, manquant de détruire le Faucon Millenium et Han dans la manœuvre. Plus récemment, Kyp avait réussi à duper Jaina pour obliger cette dernière à l’aider à annihiler un vaisseau-monde civil Yuuzhan Vong sur Sernpidal. Cependant, après les événements de Myrkr, Kyp avait joué un rôle essentiel en empêchant Jaina de sombrer dans le Côté Obscur. Mais c’était aussi en partie grâce à Leia, qui avait prévenu Kyp que si quelque chose devait arriver à Jaina ou à l’un des autres membres de sa famille, le Jedi aurait meilleur compte à aller se livrer directement aux Yuuzhan Vong plutôt que de rester dans les parages de la Princesse.

 

— J’en ai un peu ma claque de voyager, s’il faut à chaque fois remplacer nos puces d’identité par un lumpen, annonça discrètement Wraw à Han pendant qu’ils entraient dans le terminal du spatioport.

— Nous sommes ici, justement, pour faire en sorte que cela ne soit plus nécessaire, répondit Han de façon sarcastique. On a déjà assez de Bothan mécontents. Pas la peine d’ajouter ton nom à la liste…

Wraw poussa un rire rocailleux.

— Aussi doué pour la parlote qu’il l’est pour le blaster ! C’est ce que j’ai toujours entendu dire à ton sujet.

— Je ne mâche pas mes mots, si c’est ce que tu veux dire.

Han voulut continuer sur sa lancée, mais Leia lui toucha le bras pour lui signaler de s’arrêter. Depuis le début du voyage, Han et l’espion Bothan au visage allongé n’avaient cessé de s’envoyer des piques. Solo apprécia cependant que Leia vienne lui rappeler les priorités de la mission.

Alors que des Yuuzhan Vong et leurs bissops tenus en laisse arpentaient les aires d’atterrissage, des Brigadiers de Paix – Nikto, Weequays, Gammoréens et autres traîtressupervisaient la distribution des bagages et la sécurité du terminal. Le bâtiment modulaire préfabriqué avait été débarrassé de toute technologie superflue, mais il n’avait pas encore été transformé par les Yuuzhan Vong. Trois autres équipes de scientifiques étaient en train de soumettre leurs bagages à l’inspection, sous les harcèlements constants des Brigadiers en quête de pots-de-vin. De part et d’autre de l’unique porte d’accès au bâtiment se tenaient deux humains de très grande taille, mais il devait certainement s’agir de Yuuzhan Vong parés de grimages Ooglith.

Le matériel de l’équipe de Meloque était en cours d’inspection, par un Klatooinien et un Codru-Ji dont les quatre bras étaient enfouis jusqu’aux coudes dans le paquetage de Han. Les Yuuzhan Vong avaient prohibé l’importation et l’utilisation d’appareils d’enregistrement. Seuls les carnets de notes ou de croquis étaient autorisés. Ils avaient cependant permis aux savants d’apporter du matériel de camping car les expéditions devaient s’aventurer sur les montagnes accidentées qui encadraient Caluula City sur trois de ses côtés. Même s’ils étaient rudimentaires, les scanners des Brigadiers étaient à même de détecter la plupart des armes. Les blasters avaient donc été éliminés des inventaires pendant la préparation des bagages. Les sabres laser de Kyp et de Leia, cependant, avaient été inclus dans la batterie de cuisine, dissimulés en poignées escamotables pour casseroles autochauffantes.

Le Klatooinien posa le sac de toile contenant la batterie de cuisine sur la table devant lui.

— Il va falloir que j’inspecte tout ça, déclara-t-il à Meloque, qui était en train de s’approcher.

La scientifique Ho’Din était vêtue d’une jupe gainée qui la faisait paraître encore plus grande.

Kyp s’avança jusqu’à la table et fit un très subtil geste de la main.

L’humanoïde au visage canin regarda le Jedi et cligna plusieurs fois de ses yeux à lourdes paupières.

— Il n’est pas nécessaire d’inspecter ce sac.

Momentanément dérouté, le Codru-Ji se contenta de hocher la tête.

Récupérant son sac et passant la bandoulière à son épaule, Kyp sentit le regard de Han.

— Un problème ?

— Je croyais que c’était interdit, ce genre de chose…

— On discutera de la philosophie Jedi à un autre moment, si tu veux bien, rétorqua Kyp en haussant les épaules.

Han eut du mal à s’empêcher de pouffer.

— Tu m’as mal compris, p’tit gars. Si j’avais les mêmes capacités, je n’hésiterais pas à m’en servir à chaque occasion !

— C’est ce que tu crois, dit Leia, endossant son paquetage et rattrapant son mari. Tu t’en servirais au cours d’une partie de sabacc ?

Han réfléchit à la question.

— Maintenant que tu le dis, ça pourrait enlever tout le côté marrant du jeu.

— Et tu n’as pas envie de te passer du côté marrant, pas vrai ? lança-t-elle en souriant.

A peine avaient-ils quitté le terminal qu’ils furent assaillis par des nuées de flitnats indigènes. Si ceux-ci n’appartenaient pas à l’espèce susceptible de vous mordre jusqu’au sang, ils n’en étaient pas moins agaçants.

— J’espère que t’as pensé à prendre de la pommade, dit Han à Leia.

— Ça ne servirait à rien, gronda Wraw. Chaque visiteur sur Caluula se voit attribué une centaine de flitnats. Et ces saletés vous collent aux basques pendant tout le séjour.

Han éclata d’un rire bref suite à la plaisanterie du Bothan.

— Eh bien, je suppose que la notion de bonnes vacances diffère d’une personne à une autre !

En revanche, Han s’abstint de faire remarquer à la cantonade que les sales petites pestes étaient déjà en train de coller au maquillage destiné à lui éclaircir la peau, ainsi qu’à l’adhésif qui maintenait en place sa barbe grise, sa moustache et ses sourcils broussailleux. Il se retint également de maugréer qu’il se sentait beaucoup moins à l’aise ainsi que lors de son séjour sur Aphran Quatre, deux ans plus tôt, au cours duquel il avait porté des postiches similaires. Leia était le seul autre membre de l’équipe à porter un déguisement. Ses cheveux étaient attachés sous une perruque de boucles argentées coupées court et sa peau avait été colorée en vert pâle grâce à un comprimé spécial qui lui avait été remis par les services secrets. Même s’il était un Jedi, Kyp n’était pas assez connu pour qu’on identifie son visage. Quant à Page, il affichait un physique si anodin que, peu de temps après l’avoir rencontré, on aurait été bien en peine de dire à quoi il ressemblait.

Pourtant, malgré son malaise, Han était bien content de ne pas avoir à porter l’un de ces affreux substituts de grimages Ooglith développés par Baljos Amjak, de l’Escadron Spectre, à l’intention des commandos assignés à la destruction du yammosk de Toong’l. La créature était farouchement gardée par un contingent uniquement constitué de Yuuzhan Vong.

En dehors du terminal préfabriqué du spatioport, Caluula était un monde aussi élémentaire que possible. Han n’en avait pas visité de pareil depuis longtemps. Ici, les pierres qui servaient à la montée des murs avaient été taillées au moyen d’autres pierres et la plupart des humains et des humanoïdes vivant sur cette planète avaient probablement plus de points communs avec les Yuuzhan Vong qu’ils ne pouvaient l’imaginer. Il fallut quelques instants à Solo pour appréhender le fait que sur Caluula, et sur des centaines d’autres mondes aussi primitifs, la vie avait continué.

Même privés de technologie, même obligés de vivre dans l’ombre de nouveaux temples récemment élevés, les natifs continuaient de tomber amoureux, de se marier, d’avoir des enfants, de se quereller avec leurs voisins… Ils avaient appris à s’adapter aux changements de nourriture, à se servir des outils Yuuzhan Vong… Ils avaient prêté serment à leurs nouveaux conquérants, mais ils continuaient cependant de vénérer leurs propres dieux en secret.

— Voilà nos guides, dit Page.

Un Rodien et un Ryn s’approchèrent. Ils étaient vêtus de tuniques et de pantalons grossiers retenus par des ceintures de toile, portaient des souliers usés et des capuches tissées très ajustées. Tous deux paraissaient très à l’aise sur les montures qu’ils chevauchaient. Les animaux quadrupèdes à long museau étaient plus petits que des dewbacks mais tout aussi hirsutes que des banthas dont on aurait arraché les cornes et les défenses.

— Je suis Sasso, dit le Rodien quand ils arrivèrent à portée de voix de Han et du reste du groupe.

— Moi, c’est Ferfer, annonça le Ryn entre ses dents. Rassembleur un-six-quatre, de Balmorra, ajouta-t-il.

Han tendit la main pour le saluer.

— Comment va votre patron ?

— En fuite, répondit Ferfer.

Han hocha la tête, repensant à Droma, le Ryn qui était devenu son ami au moment de la mort de Chewbacca et qui, d’après les rumeurs, dirigeait à présent la cellule des Rassembleurs.

— Je ne suis pas surpris…

On procéda aux présentations. Han se rendit compte que Sasso et Ferfer lui rappelaient des gens qu’il avait eu l’occasion de rencontrer lors de ses premières années dans le Secteur des Corporations. Sur Duroon, Deltooine et tant d’autres planètes… Des gens que les circonstances avaient rendus amers et durs, mais qui avaient toujours tenu leur parole…

Ces derniers temps, quand son esprit ne ressassait pas les images de la guerre ou qu’il ne repensait pas à la mort d’Anakin et à celle de Chewbacca, il arrivait à Han de se remémorer le passé, de se demander ce que cela lui ferait de retourner sur toutes ces planètes de sa jeunesse. Sans son copilote à l’épaisse fourrure, mais avec Leia et les jumeaux. Le Han Solo qui avait traversé la moitié de la Bordure Extérieure était toujours présent, tout au fond de lui. En dépit de toutes ces fêtes somptueuses sur Coruscant, de ces dîners officiels auxquels il avait dû assister depuis un peu plus de vingt ans, il se sentait toujours plus à l’aise avec des gens comme Sasso ou Ferfer qu’en présence de sénateurs, de princes, de personnes riches ou influentes. Les visages burinés par le soleil, les mains rendues calleuses par le travail… Les grands espaces opposés aux salons clos… La nourriture cultivée, ou bien cueillie à même les arbres, plutôt qu’une alimentation fabriquée en usine…

Peut-être qu’un jour Leia et lui auraient la chance de redécouvrir tout cela, songea-t-il.

Sasso indiqua sa monture, qu’on appelait ici un timbu, à Han. Celui-ci passa son pied dans l’étrier et se hissa sur la selle immense. Le timbu grogna et tourna sa grosse tête aux oreilles tombantes pour observer Han d’un regard noir et humide.

— Quoi que tu fasses, ne tire pas trop fort sur les rênes, dit-il à Leia, qui était en train de s’installer avec agilité sur un timbu de plus petite taille.

— Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe dans ce cas-là ?

— Eh bien, imagine le pire des crachats que puisse te balancer un tauntaun et multiplie-le par dix !

— Charmant…

— Vous avez déjà chevauché un timbu, apparemment, intervint Sasso.

— Oui, sur Bonadan, acquiesça Han en hochant la tête.

Le museau en trompette du Rodien se tortilla en esquisse de sourire.

— C’est l’endroit idéal !

L’équipe de Meloque se mit enfin en mouvement. Des détachements Yuuzhan Vong patrouillaient par quatre les rues de terre battue de Caluula City. Les prétendus scientifiques furent cependant autorisés à passer sans incident. Sur un vaste terrain communal à la végétation luxuriante, deux prêtres étaient en train de surveiller un groupe d’ouvriers, natifs et Yuuzhan Vong mélangés, occupé à édifier un temple à la gloire de Yun-Yuuzhan. L’éclairage électrique des rues et des devantures des magasins avait été arraché, il n’y avait pas un seul droïde, ni le moindre speeder, à la ronde.

— Bienvenue dans votre nouvelle galaxie, dit Kyp.

— Ils n’ont pas d’implants de corail pour les asservir, remarqua Leia à voix basse.

— C’était l’une des conditions de la reddition, dit Sasso en hochant la tête.

— Quel est le sentiment des populations, justement, à propos de cette reddition ? demanda prudemment Page.

— Eh bien, pour ne rien vous cacher, répondit le Rodien, disons que Madame le Gouverneur ne souhaite plus apparaître en public et que les murs de sa résidence ont été renforcés.

Han, du coin de l’œil, nota que Page semblait très à son aise, qu’il se sentait comme chez lui. Il chevauchait son timbu avec aisance et jouait des rênes pour diriger sa monture avant même que les guides ne disent quoi que ce soit. C’était à croire qu’il avait entièrement mémorisé le dédale des rues et la topographie de la planète. Solo songea que Page pourrait même aller jusqu’à parler la langue des natifs si nécessaire, qu’il pourrait consommer la nourriture et l’eau du cru sans tomber malade, qu’il pourrait conter fleurette aux dames et faire croire à tous qu’il était né et avait été élevé sur Caluula.

Wraw, à l’opposé, ne semblait pas du tout dans son élément. Le Bothan à barbichette avait la fâcheuse habitude de dévisager tout le monde avec un air à mi-chemin entre la surprise et la dérision. Fort heureusement, la fourrure de son crâne ne trahissait aucun des changements de ses émotions, ce qui était pourtant une des caractéristiques des membres de son espèce. Han avait cependant déjà rencontré des individus de sa trempe, qui avaient construit leur existence autour de la récupération d’informations et de l’assurance que ces informations atteindraient les bonnes oreilles.

— On est loin du yammosk ? demanda Kyp à Sasso.

— L’installation est pratiquement le nouveau centre de la ville, maintenant. C’est probablement pour décourager toute tentative de bombardement orbital. Notre approche la plus sûre est par le sud, ce qui signifie qu’il va falloir franchir deux chaînes de petites montagnes pour y parvenir.

— Les armes sont cachées le long de notre itinéraire ? demanda Page.

— Nous avons des armes enterrées un peu partout, lui confirma Sasso. Dès que nous avons compris que les Yuuzhan Vong souhaitaient occuper Caluula, nous avons commencé à cacher le plus de choses possible : armes, nourriture, droïdes, j’en passe et des meilleures… Impossible de creuser un trou dans les collines sans déterrer quoi que ce soit ! Quand la station orbitale est tombée et que les Vong ont débarqué, nous vivions déjà comme des fermiers, histoire de nous habituer à la transition.

— Mais les Yuuzhan Vong sont certainement au courant de vos activités, non ? intervint Meloque.

— Oui, mais jusqu’à présent ils n’ont pas trop enquêté sur nous. Quelques cachettes d’armes et de droïdes ont été découvertes et une vingtaine de natifs de Caluula ont été sacrifiés. En dehors de cet incident, les choses sont relativement calmes.

Sasso tendit son museau pour indiquer un changement de direction.

— Il faut qu’on aille par là.

— Quand pourrons-nous enfin observer les étoiles ailées ? demanda la Ho’Din.

— Dès que nous aurons pris un peu plus d’altitude.

Sasso fit arrêter la caravane de huit timbus au pied d’un chemin très en pente qui disparaissait dans un ravin à la végétation dense. Une créature volante passa silencieusement au-dessus d’eux et disparut avant même que Han ait pu l’identifier.

— Encore une bestiole Yuuzhan Vong, dit nerveusement Ferfer. On nous observe.

La Force Unifiée
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